Les démêlés conjugaux de Lothaire II
par Hubert Guinard
Historia N°610
Pour faire annuler son mariage avec Theutberge et renouer avec sa maîtresse Waldrade qui lui a donné un bâtard, Lothaire II utilise tous les moyens. Mais le pape et les évêques ne se laissent pas abuser.
C'est à la fin de l'an 855 que la jeune Theutberge a rendez-vous avec l'Histoire. On ne sait rien de son enfance, sinon qu'elle est de haute noblesse franque. Elle a sans doute une quinzaine d'années, et comme toutes les filles nobles de son temps, elle attend sagement que son père décide de sa destinée.
Or l'empereur Lothaire Ier, fils aîné de Louis le Pieux et petit-fils de Charlemagne, est mort en septembre 855, après avoir partagé ses Etats entre ses trois fils: l'aîné, Louis II, a gardé le titre d'empereur et le royaume d'Italie, le cadet, Charles, - un enfant de 5 ans - aura un royaume en Provence, et Lothaire II, le deuxième fils, prendra le reste, c'est-à-dire les comtés depuis les Alpes jusqu'à la mer du Nord. On appellera plus tard son royaume Lotharingie (future Lorraine). Il est coincé entre ceux de ses deux oncles, Louis le Germanique au levant et Charles le Chauve au couchant, qui ne songeront plus qu'à se l'annexer.
La bénédiction de l'Eglise
C'est la rançon du système successoral des Francs, qui considère le royaume comme un bien patrimonial, à diviser par parts égales entre les fils légitimes. Ensuite, chacun de ceux-ci s'efforce par tous les moyens d'élargir sa part au détriment de celle des autres.
Dans moins de cinquante ans, l'empire carolingien aura disparu, miné pour une bonne part par ce système. En 855 donc, Lothaire II est âgé de 18 ans environ - les sources de l'époque ne permettent pas de dater plus précisément sa naissance. Son père l'avait associé depuis peu aux affaires en lui confiant le duché de Frise. Ii lui avait même procuré trois ans plus tôt une concubine, Waldrade, de petite noblesse d'Alsace, dont Lothaire a déjà une fille.
Pourtant, les grands du royaume ne semblent pas s'être accommodés de leur nouveau roi. Après avoir pris l'avis de Louis le Germanique, ils finissent par s'incliner. Ils ont cependant pris la précaution d'exiger que Lothaire renvoie sa concubine Waldrade, et ils lui ont fait épouser la jeune Theutberge, avec la bénédiction de l'Eglise. Le sacre peut alors avoir lieu en avril 856. Les grands pensent qu'en plaçant l'une des leurs à son côté, ils garderont un meilleur contrôle sur Lothaire. Le frère de la nouvelle reine, le comte-abbé Hubert, devient l'un des familiers du roi. Il reçoit bientôt un duché, qui regroupe les comtés entre Alpes et Jura et garde le débouché de la route venant d'Italie.
Car pendant que Theutberge s'installe au palais d'Aix-la-Chapelle, Lothaire doit régler un contentieux avec son frère Louis, qui s'estime lésé par le partage paternel et conteste la tutelle de Lothaire sur le petit Charles. On manque d'en venir aux mains, mais l'intervention du pape permet d'éviter le pire. Peut-être la reine Theutberge a-t-elle accompagné son époux, en octobre 856, à l'entrevue d'Orbe (près de Lausanne) entre les frères désunis, mais ce serait l'un des derniers actes officiels de son court règne.
En effet, dès son retour à Aix, Lothaire songe à se séparer d'elle. Il est mécontent d'avoir échoué dans sa tentative pour s'emparer de la Provence, et la jeune reine ne sait pas lui apporter le réconfort que Waldrade lui procurait dans ces moments-là. Au surplus, la reine ne donne aucun signe de fécondité, tandis que Waldrade vient de mettre au monde un fils de Lothaire... L'idée qui vient de naître dans l'esprit du roi constitue le premier épisode d'un drame à rebondissements multiples qui, sans souci d'aucune règle de lieu, de temps ou d'espace, va opposer pendant douze années Lothaire à tous ceux qui veulent l'empêcher de parvenir à ses fins. Et si en fin de compte, le roi perdra tout dans l'affaire jusqu'à sa vie et son royaume sans parvenir à légitimer le fils de Waldrade, pendant ce temps la pauvre Theutberge sera broyée dans l'aventure et finira sa vie au fond d'un monastère. 857, donc. C'est l'année où Theutberge - un an à peine après son mariage - entend parler pour la première fois des bruits qui courent au palais sur de prétendues relations incestueuses qu'elle aurait eues avant son mariage avec son frère Hubert... Des bruits tellement répétés qu'ils finissent par venir aux oreilles de Lothaire, qui fait arrêter et enfermer sa légitime épouse. Car tel est le scénario sorti de l'imagination fertile du roi (ou de son amie Waldrade). On a certifié à Lothaire qu'un tel crime, s'il était avéré, permettrait à ses évêques d'annuler son mariage avec Theutberge.
Mais, on l'a dit, Theutberge fait partie de la haute aristocratie franque. Son frère Hubert sonne la rébellion, et devant les dénégations de la reine, les grands exigent que sa culpabilité soit jugée au cours d'un procès civil. Leur tribunal se réunit au début de l'an 858. Faute de témoins, en raison de la nature des faits, il décide de s'en remettre au jugement de Dieu. Mais au grand dam de Lothaire, le champion de la reine sort vivant de la cuve d'eau bouillante dans laquelle on l'a plongé.
Dieu s'est prononcé, la reine est innocente. Du coup, Lothaire est obligé de la reprendre. Comme il est brouillé avec Hubert, il part en expédition contre lui. Mais le rebelle est insaisissable dans son repaire du Valais.
859. Lothaire a ruminé pendant plus d'un an sa déconvenue mais, réconforté et poussé par Waldrade, il n'a pas renoncé à son but. Il profite d'une période de grave tension entre ses deux oncles pour reprendre son projet. Cette fois, c'est à ses évêques qu'il va directement demander la solution. C'est Gunther, l'ambitieux archevêque de Cologne, archichapelain du palais, qui mène l'affaire. Il se fait fort d'obtenir l'aveu de la reine sur la réalité des fameuses relations incestueuses avec Hubert. Au su de quoi, un concile des évêques du royaume ne pourra qu'annuler le mariage du roi.
On imagine la manière dont il a pu opérer. Une pression constante sur la reine, des menaces, habilement mêlées à l'assurance qu'avec l'annulation du mariage les ennuis de Theutberge seraient terminés, des bruits selon lesquels le roi aurait décidé de la faire assassiner, tout cela va amener la reine à accepter de faire une confession.
Le jugement de Dieu
On fait aussi courir le bruit que les relations incestueuses de la reine seraient maintenant prouvées. Et pour contester le résultat du jugement de Dieu, on laisse entendre que Theutberge s'était confessée avant l'épreuve. Dieu ne pouvait plus se déjuger, il a donc épargné son champion...
Le 9 janvier 860, quatre évêques et deux abbés sont réunis en concile à Aix-la-Chapelle. Ils entendent Lothaire leur conter le malheur qui le frappe, puis ils se rendent auprès de Theutberge. Avec son autorisation, Gunther rapporte à ses pairs sa confession. Embarrassés, parce qu'ils doutent tout de même de la sincérité de cet aveu, les évêques ne savent que décider, ils se contentent d'autoriser le roi à s'abstenir de relations conjugales et renvoient leur jugement à un concile où seraient présents des prélats des autres royaumes.
Un deuxième concile, aussitôt convoqué, va se réunir à Aix dès le 15 février 860. Gunther s'est arrangé pour que peu d'étrangers au royaume soient présents. Cette fois Theutberge vient remettre elle-même à Lothaire, devant les pères, une confession écrite et solliciter l'autorisation de se retirer dans un monastère. Le concile déclare donc la faute de Theutberge établie, et la condamne à une pénitence publique et à être enfermée dans un monastère. Par contre les pères ne prennent aucune décision quant à l'annulation de son mariage.
Des grands du royaume se sont cependant inquiétés des poursuites menées contre la reine. A leur instigation, l'archevêque Hincmar de Reims, qui fait figure d'autorité morale la plus sérieuse du moment, est l'objet d'une demande de consultation sur les décisions du concile d'Aix. Au mois d'octobre 860, il y répond par un traité fort documenté, qu'il envoie aux rois et aux clergés de tous les royaumes francs. C'est une volée de bois vert contre la procédure suivie dans toute l'affaire, contre Gunther en particulier qui n'aurait jamais dû révéler au concile la confession secrète de sa pénitente - même autorisé par elle - et contre Lothaire lui-même. D'ailleurs, ironise l'archevêque, s'il avait constaté au moment de son mariage que Theutberge n'était pas vierge, pourquoi a-t-il attendu si longtemps pour s'en plaindre ? Hincmar recommande de réunir un concile des royaumes francs, et de saisir le pape en raison de la qualité des personnes impliquées.
Marquant clairement que l'affaire ne saurait être réglée à la seule volonté du roi Lothaire, cette prise de position n'influera pourtant pas sur la situation immédiate de Theutberge, car avant la fin de cette année 860, elle s'évade du monastère où elle était enfermée et vient se réfugier dans le royaume de Charles le Chauve. Bien entendu, dès son arrivée, soutenue par son frère, Theutberge a écrit au pape Nicolas pour récuser ses aveux, extorqués par la menace, contester les décisions des conciles et se plaindre des traitements qu'elle a subis.
Lothaire va prudemment laisser dormir quelque temps son projet.
862. Un an a passé. Mais Waldrade harcèle Lothaire, qui harcèle Gunther... Malgré la fuite de la reine, malgré la rétractation de ses aveux, malgré les réserves émises par l'archevêque de Reims, Gunther se décide à réunir un nouveau concile des évêques, pour parachever ce que les deux premiers n'avaient pas terminé.
Le 24 avril, huit évêques sont réunis, et cette fois Lothaire vient leur expliquer qu'il est très malheureux, parce qu'il s'est interdit d'avoir des relations avec son épouse depuis qu'elle a été condamnée, mais sa nature étant ce qu'elle est, il voudrait éviter de pécher en fréquentant des concubines. Les pères décident que la faute de Theutberge a été prouvée, puisqu'elle s'en est accusée publiquement, et ils en tirent la conséquence que son mariage avec Lothaire est nul et que le roi est autorisé à se remarier.
Le fils bâtard enfin légitimé
Lothaire triomphe. Après cinq ans d'efforts, il est enfin parvenu à éliminer la reine Theutberge. Mais prudent, l'archevêque Gunther lui fait écrire au pape Nicolas qu'il attendra son accord pour se remarier, et la venue de ses légats, s'il l'estime utile.
Pourtant, quelques mois plus tard, n'ayant pas de nouvelles et sans doute pressé par sa concubine, il se décide à franchir le pas. Après s'être assuré de la compréhension de son oncle Louis le Germanique, il épouse W aldrade, en septembre 862, et la fait couronner reine. Son fils Hugues se trouve ainsi légitimé, il pourra succéder à son père. Le rideau peut tomber sur le premier acte de la tragédie de Theutberge, la reine qui a régné un an à peine. Elle aurait pourtant tort de se croire libérée de son odieux époux.
863. L'année commence à Rome: le pape Nicolas apprend par hasard le remariage de Lothaire. Il est vrai qu'on avait oublié de l'en informer... Fureur du pontife. Mais si Lothaire et Gunther pensaient pouvoir le mettre devant le fait accompli, ils vont bientôt déchanter, car ce pape est un homme de caractère. Pourtant, il va commencer par jouer de malchance. Ses deux légats sont déjà partis pour Aix-laChapelle quand il découvre qu'ils ne sont pas intègres. Bien entendu, ils se laissent acheter par Lothaire. Le machiavélique Gunther leur a en outre subtilisé les convocations destinées aux évêques étrangers, de sorte que le grand concile voulu par le pape s'ouvre finalement à Metz au mois de juin, en présence des légats et des mêmes évêques lorrains qui ont déjà statué un an plus tôt à Aix. Le seul changement est que Lothaire présente maintenant un nouvel argument aux pères: c'est un véritable mariage qu'il avait contracté avec Waldrade, en lui engageant sa foi quand son père la lui avait présentée. Son union avec Theutberge n'a par conséquent pas de valeur. Des témoins s'efforcent de prouver qu'il y a bien eu promesse de dot par l'empereur Lothaire. Comme il était à prévoir, l'assemblée des évêques confirme tout simplement les décisions prises à Aix.
Les légats repartent, suivis peu après par les archevêques Gunther et Theutgaud, qui doivent présenter au pape les actes du concile. Il faut admirer au passage l'aplomb dont font preuve les évêques dans leur soumission au roi: ils ont tout fait à l'envers des instructions du pape, ils n'ont convoqué ni Theutberge ni son frère Hubert, ils n'ont réuni que des évêques lorrains, ils basent leur décision sur un aveu public qui a été ensuite rétracté, etc. cela ne les empêche pas de venir expliquer à Rome qu'ils ont agi au mieux! A leur arrivée, en novembre 863, le pape est déjà au courant de tout ce qui s'est passé à Metz. Les deux archevêques sont alors démis de leurs fonctions, et les décisions de Metz cassées. Par le fait même, Lothaire et Theutberge se retrouvent à nouveau légitimement mariés, et Waldrade renvoyée à son statut de concubine.
864. Le début de cette année est marqué par un épisode rocambolesque, qui se passe encore à Rome. Les deux archevêques, menés par Gunther - Theutgaud est un faible, il suit en tout son collègue - se révoltent contre la décision du pape. Ils vont trouver Louis II, le frère de Lothaire, et le convainquent que le pape n'avait pas le droit de les démettre sans l'accord du pouvoir temporel, et que les princes ne peuvent accepter que Rome empiète ainsi sur leurs prérogatives.
Epreuve de force à Rome
Louis II vient faire une démonstration de force devant Rome, et le sang commence même à couler. Mais alors que Nicolas se retrouve seul et abandonné de tous au fond de Saint-Pierre, un miracle se produit. La femme de Louis II, l'impératrice Engelberge, va trouver le pape, et elle le persuade de venir rencontrer son époux. L'entrevue a lieu, et soudain, devant cet homme droit qui n'a pour lui que ses convictions, c'est Louis qui capitule. Il se réconcilie avec le pape et retire sa protection aux deux Lorrains. La tête basse pour Theutgaud, la vindicte à la bouche pour Gunther, ils repartent chez eux excommuniés.
La reine Theutberge a donc été à deux doigts de perdre avec le pape Nicolas son principal soutien, le seul capable d'imposer qu'un traitement équitable lui soit assuré. Par contre, elle en perd un autre avec son frère Hubert, qui est tué dans une embuscade, dans ses montagnes. Pour l'instant, elle reste retirée dans son abbaye, sous la protection du roi Charles le Chauve, qui suit avec intérêt ce qui se passe chez son neveu.
De son côté, Lothaire est bien trop faible pour se rebeller contre les décisions romaines. Pendant qu'il réfléchit sur la conduite à tenir, Waldrade le garde sous son charme. Il fait même fi d'une menace d'excommunication, pour le cas où il ne la renverrait pas. Mais sa force d'inertie a des limites, et peu à peu l'étau des pressions exercées contre lui se resserre. En février 865, ses deux oncles admonestent le neveu lorrain. Et le pape Nicolas exige le rétablissement de Theutberge, comme épouse et reine. On apprend d'ailleurs bientôt par les évêques lorrains - qui ont fait amende honorable à l'égard de Rome que Lothaire est enfin décidé à se soumettre, lui aussi.
Au mois d'avril 865, le pape envoie enfin l'évêque Arsène régler tous les problèmes dans les royaumes francs, et en particulier rétablir Theutberge dans toutes ses prérogatives. Le légat va rester six mois au-delà des Alpes. Il s'est assuré que Lothaire est bien d'accord pour renvoyer Waldrade et pour reprendre Theutberge, puis il est allé chercher celle-ci chez Charles le Chauve et l'a ramenée enfin chez son mari, dans son palais de Douzy, sur la Meuse. Lothaire s'engage, en présence d'évêques, à la traiter avec honneur et de ne lui faire aucun mal, si elle se comporte comme il convient à une épouse. Le 15 août, le légat célèbre la messe en présence de Lothaire et de Theutberge, tous deux couronnés et revêtus de leurs vêtements royaux. Il repart accompagné de Waldrade, qu'il doit conduire chez le pape.
866. A peine rentré en Italie, le légat Arsène perd sa protégée. Au passage à Pavie, Waldrade s'est échappée et des fidèles de l'empereur Louis II la raccompagnent jusqu'au royaume de Lothaire. Le pape l'excommunie aussitôt, mais malgré ses lettres aux évêques on parait ignorer la sanction. Waldrade reprend ses intrigues pour évincer la reine légitime.
Pour celle-ci, les temps difficiles sont revenus dès le départ du légat. Elle est cantonnée au fond du palais, et Lothaire se refuse absolument à la considérer comme son épouse. A nouveau elle peut craindre pour sa vie, car elle est finalement le seul obstacle qui empêche Lothaire de légitimer son fils en se remariant.
Lothaire décide même de l'envoyer auprès du pape, pour qu'elle lui exprime elle-même son désir d'obtenir l'annulation de son mariage. Mais il change encore d'avis et rappelle la voyageuse, déjà en route. C'est dans une lettre qu'elle présentera sa requête au pape, en arguant de sa stérilité et de la validité du mariage antérieur de Lothaire avec Waldrade.
Au début de 867, Nicolas répond qu'il n'est pas question de lui donner satisfaction, ni d'autoriser Lothaire à venir le voir à Rome tant qu'il ne se sera pas conformé à tous ses engagements. Sans cesse, les manoeuvres de Lothaire butent sur la fermeté de Nicolas. Mais brutalement la situation s'éclaircit: le 13 novembre 867 le pape meurt.
868. Le successeur de Nicolas. Hadrien, a été choisi dans la faction opposée à celle de son prédécesseur. Il a l'appui de Louis II. II accepte à sa demande de lever l'excommunication de Waldrade et d'autoriser Lothaire à venir s'expliquer à Rome. Il maintient pourtant la suspension de Gunther et de Theutgaud, parce qu'il ne veut pas mécontenter les partisans de la ligne dure de son prédécesseur.
Lothaire commence par envoyer en avant-garde la reine à Rome. Elle renouvelle, de vive voix cette fois, les demandes qu'elle avait déjà présentées au pape Nicolas. Il faut croire que la malheureuse n'a pas une grande force de persuasion, car Hadrien la renvoie à son mari.
Préparant son propre voyage, et pour satisfaire aux ordres pontificaux, Lothaire fait à Theutberge donation d'un certain nombre de domaines. Il s'agit notamment de ceux qui avaient été confisqués à son frère Hubert en Provence. Dans les actes, Theutberge est traitée de «très aimée», mais jamais d'épouse...
869. Lothaire se décide à partir pour l'Italie au mois de mai. Theutberge a reçu ordre de le suivre un peu plus tard. Il va d'abord aller jusqu'à Bénévent, près de Naples, pour rencontrer son frère qui mène là-bas une campagne de longue haleine afin de chasser les Sarrasins du port de Bari. Grâce à Louis, il obtient que l'impératrice Engelberge l'accompagne pour rencontrer le pape, venu au-devant d'eux jusqu'au monastère du mont Cassin.
Le roi touché par la malaria
L'entrevue a lieu le 1er juillet. Tout ce qu'obtient Lothaire, c'est qu'un grand concile se réunira à Rome en mars 870, avec les évêques romains et ceux des royaumes francs. Auparavant, des légats iront enquêter à Aix. Au passage, Gunther a tout de même fait une humble soumission au pape, et il a été rétabli dans la communion laïque.
Lothaire repart vers le nord, sans avoir obtenu plus. Il garde l'espérance de ceux pour qui tout n'est pas perdu tant qu'un revirement de leur situation reste possible.
Mais la fatalité le guette au passage, la fièvre des marais s'abat sur les voyageurs. La malaria décime leur convoi.
A Lucques, le roi est atteint à son tour. Il meurt près de Plaisance, en remontant la plaine du Pô, le 8 août 869. Ses compagnons l'enterrent dans un monastère proche, puis les survivants regagnent leur pays.
Mais les nouvelles sont allées beaucoup plus vite qu'eux. Ils apprendront en route que dès le 9 septembre 869, appelé par des grands de Lothaire, Charles le Chauve s'est fait couronner à Metz roi du royaume de son neveu. C'est sur ce décès inattendu que tombe le rideau final du drame de la reine Theutberge. Certains chroniqueurs du temps assurent que la reine serait arrivée à Plaisance, juste pour rendre les derniers devoirs à son époux. D'autres légendes n'ont d'ailleurs pas manqué de naître sur la triste fin de Lothaire. En tout cas, les sources sérieuses ne nous disent pas où en était le voyage de Theutberge vers l'Italie. On sait seulement qu'elle a fait un don au monastère où Lothaire a été enterré, et qu'elle s'est retirée à l'abbaye de Sainte-Glossinde, près de Metz, où elle serait décédée vers 874 ou 875. Elle n'avait probablement pas 35 ans...
Theutberge avait appris à obéir, pas à se battre bec et ongles. Elle était probablement peu apte à remplir la mission que l'archevêque Hincmar attribuait à la reine, dans un traité sur l'organisation du gouvernement royal: maintenir l'ordre dans le palais du roi, veiller à l'équipement des jeunes guerriers et aux approvisionnements, gérer les cadeaux reçus ou à faire... De leur côté, les grands du royaume n'avaient peut-être pas fait le meilleur choix en la mariant à Lothaire, mais ils avaient au moins l'excuse d'ignorer à quel point celui-ci se montrerait odieux.
Hubert Guinard
Arbre généalogique de Lothaire II
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